« Changer pour ne rien changer ? »

La logique militarisée remplacera-t-elle définitivement LA politique de l’éducation nationale, de la protection de l’enfance et de la jeunesse et laissera mourir cette belle « endormie » assommée par le gouvernement de Sarkozy qui est La Protection Judiciaire (eh oui!) de la Jeunesse (PJJ) ?

Le renouveau des prisons a été entamé courageusement par l’équipe de Toubira mais les mêmes Français et une grande partie des élus qui défilent aujourd’hui ont tiré sur la Ministre à coup de bazookas.

Quel élan créatif et quel mouvement innovant national ont porté l’adaptation du mastodonte « éducation nationale » aux rythmes de l’enfant? Quels nouveaux projets et partenariats ont vu le jour à partir de ce changeant du rythme scolaire? Combien d’artistes ont été conviés ans les groupes de travail afin de créer un nouveau rouet éducatif pour les enfants qui ne resteront plus confinés dans les salles de classe toute la journée? Combien de projets à résonance nationale ont vu le jour dans les quartiers, là où les enfants commencent très jeunes de subir le lavage de cerveau dans les espaces publics désertés par les institutions et la société civile française et où ceux qui assurent la socialisation des enfants le font suivant la loi du plus fort, mais aussi en leur apportant un espoir démesuré et la promesse de devenir des héros ou des martyres.

Car le principe de l’espoir comme celui de LIBERTE sont laissés en jachère depuis des décennies dans les politiques françaises de l’enfance et de l’adolescence, end revanche les usines qui fabriquent des exclusions, des troubles de comportements et de la violence sont fleurissantes. Et la lutte contre la délinquance, la loi de mars 2006 (une des premières votées par le gouvernement Sarkozy) cette loi engloutit des millions et donnent quoi? Quelles évaluations des théories et méthodes utilisées et de leurs effets ? Je suis bien placée pour en parler car avec ARTEFA nous avons essayé dès 2006 d’introduire des méthodes d’action innovante (oui, oui!), fondée sur l’anthropologie et la philosophie, une anthropologie de projet et une approche par le droit des personnes dont leur droit à l’expression, qui devraient être mise en œuvre en amont du discours focalisé sur leurs devoirs et leurs exclusions.

Et où sont les ascenseurs sociaux dont parle Robert Castel? Qui tire les jeunes vers le haut et cesse de se voiler la face avec le slogan « les parents, premiers éducateurs », alors que la plupart de ces parents sont eux-mêmes stigmatisés et exclus! Nous avons mené une recherche-action (très mal vue en France pays où l’on clive les labos de recherche de la « masse » des professionnels de terrain) dans plusieurs villes dont Marseille, Jeumont (59), Lyon, Ermont (l’Oise), Clermont, Strasbourg, mais nous n’avons pas pu dépasser les réunions « consanguines » entre des professionnels et politiques qui maitrisent mieux le discours « type TV » que les méthodes créatives d’action et la volonté de faire avec la population. Les plus mobilisés et les plus créatifs a été une poignée de jeunes qui n’allaient plus à l’école ou qui cherchaient en vain du travail.

Nous sommes allés les chercher nous-mêmes dans les rues des quartiers, dans les squats. Les réaction des travailleurs sociaux et des élus vis-à-vis de ces jeunes étaient empreinte de méfiance, de rejet, de soupçon qui leur faisaient violence, mais cette violence-là étant toujours légitimée par les discours demeurait intouchable. En revanche, les réactions de jeunes étaient toujours analysées comme de l’agressivité, de l’incapacité, de l’incompréhension, de la démission, de l’échec. toutes les grilles dominantes le travail social renvoient un jugement négatif qui « colle » à la peau de la personne et le rend « malade ». Les professionnels ont tendance de prolonger une logique de notation et de parler d’échec quand il s’agit de la vie des jeunes et non pas d’une matière enseignée en classe.

Les travailleurs sociaux sont formés pour se sentir malmenés, victimes de leur propre institution. Les jeunes se retrouvent devant ces professionnels qui représentent la force instituante, les structures propres à notre Etat et qu’est-ce qu’ils découvrent? le vent, le sable, la « mise à l’épreuve » bureaucratique et une pauvreté de soutien et d’échange intelligent. La plupart des travailleurs sociaux sont enlisés dans les discours psycho-pathologiques et ne font rien d’autres que d’observer, produire des jugements de valeur ou des formules stéréotypes (un jargon et des sigles qui fonctionnent comme un murmure de borborygmes) dans des innombrables réunions, remplir des formulaires inutiles et sanctionner, générant ce que l’on appelle la « violence légitime ». Tant que leur formation n’est pas modifiée en profondeur avec une évaluation claire des contenus des cours et des méthodes pédagogiques utilisées, et de la cohérence entre les cours, il est inutile de se plaindre qu’il n’y a pas assez de moyen. Mais aujourd’hui, la formation des travailleurs sociaux au niveau du ministère et des réformes est totalement dominés par un petit groupe de personnes qui n’ont pas mis les pieds dans les quartiers depuis 40 ans au moins. Cette gérontocratie s’entourent d’une cour de beaux-parleurs et de « futurs universitaires »  qui font ce boulot alimentaire en attendant un poste. Il faut introduire la philosophie, le droit vivant et l’histoire dans les écoles de travail social, ce que nous avons tenté de faire au début des années 2000 dans une école de la région parisienne, sans que cette initiative puisse être évaluée et généralisée, tant le front des psy étaient opposés à cette ouverture.

Enseigner le vivre-ensemble, est-ce possible ? Oui, mais à condition que l’équipe de formateurs ne se « bouffent » pas le nez comme je l’ai constaté dans de nombreux Instituts de travail social. Qu’ils se mettent à réfléchir à leurs méthodes d’enseignement et à ce qu’ils transmettent DE CONCERT. Aujourd’hui, en sortant de ces écoles, les travailleurs sociaux sont formés pour se sentir démunis, coupables ET victimes de la population. Dès qu’il y a un conflit plus corsé avec un « usager », cela prend toute la place dans l’équipe. Au point qu’aujourd’hui, si vous voulez faire de l’argent en formation, il faut proposer des formations sur la violence, le soutien psychologique, le burn-out, etc. Les fonctionnaires – comme le milieu associatifs – sont « contaminés » par des théories et pratiques négatives, génératrices de peur, remplies de stéréotypes et de jugements de valeurs.

Parmi ceux que je connais (et je connais beaucoup de monde) et qui ont manifesté, combien reprend leur travail en se disant qu’il va falloir changer de théories et de pratiques professionnelles :
– se débarrasser de la psycho-pathologisation des personnes,
– bloquer la psychiatrisation de l’enseignement et de la socialisation des enfants,
– mettre fin à la machine infernale qui transforme la moindre découverte du corps entre les enfants (ouche-pipi) en délinquance sexuelle,
– refuser de faire un dossier MDPH et de classer l’enfant dans une catégorie de handicap lorsqu’un instit’ demande une aide (AVS) parce que l’enfant en question ne rentre pas dans le formatage de la classe;
– démonter les fabriques qui produisent à la chaîne des troubles et des incapacités (en protection de l’enfance, par exemple)
– évaluer les ordonnances des juges des enfants: quel contenu, quels outils d’analyse, quelles applications des lois suivant les principes de liberté (dont la liberté d’expression des citoyens convoqués devant le juge), principe d’égalité (dont l’égalité des chances) et de proportionnalité (sur ce sujet, nous avons beaucoup à dire)
– expérimenter des nouvelles formes de vivre-ensemble en créant des alliances éducatives (entre les parents et l’assistante familiale, par exemple), des processus de devenir pour l’enfant, des moments où le pardon devient une méthode de résilience (pour ne citer que ces domaines)?

« Changer pour ne rien changer ? » (image de Charlie Hebdo, 1975)